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Julien Coupat (Tarnac 9 ) in Le Monde 26.Mai

entrevista 26.05.2009 18:41
Interview mit Julien Coupat in der Tageszeitung Le Monde vom 26.Mai 2009
Julien sitzt immer noch im Zusammenhang mit den Tarcnac 9 als einziger Gefangener im Knast.
Interview with Julien Coupat in the daily Le Monde May 26th
Julien Coupat : "La prolongation de ma détention est une petite vengeance"

oici les réponses aux questions que nous avons posées par écrit à Julien Coupat. Mis en examen le 15 novembre 2008 pour "terrorisme" avec huit autres personnes interpellées à Tarnac (Corrèze) et Paris, il est soupçonné d'avoir saboté des caténaires SNCF. Il est le dernier à être toujours incarcéré. (Il a demandé à ce que certains mots soient en italique).

Comment vivez-vous votre détention ?

Très bien merci. Tractions, course à pied, lecture.

Pouvez-nous nous rappeler les circonstances de votre arrestation ?

Une bande de jeunes cagoulés et armés jusqu'aux dents s'est introduite chez nous par effraction. Ils nous ont menacés, menottés, et emmenés non sans avoir préalablement tout fracassé. Ils nous ont enlevés à bord de puissants bolides roulant à plus de 170 km/h en moyenne sur les autoroutes. Dans leurs conversations, revenait souvent un certain M. Marion [ancien patron de la police antiterroriste] dont les exploits virils les amusaient beaucoup comme celui consistant à gifler dans la bonne humeur un de ses collègues au beau milieu d'un pot de départ. Ils nous ont séquestrés pendant quatre jours dans une de leurs "prisons du peuple" en nous assommant de questions où l'absurde le disputait à l'obscène.

Celui qui semblait être le cerveau de l'opération s'excusait vaguement de tout ce cirque expliquant que c'était de la faute des "services", là-haut, où s'agitaient toutes sortes de gens qui nous en voulaient beaucoup. A ce jour, mes ravisseurs courent toujours. Certains faits divers récents attesteraient même qu'ils continuent de sévir en toute impunité.

Les sabotages sur les caténaires SNCF en France ont été revendiqués en Allemagne. Qu'en dites-vous?

Au moment de notre arrestation, la police française est déjà en possession du communiqué qui revendique, outre les sabotages qu'elle voudrait nous attribuer, d'autres attaques survenues simultanément en Allemagne. Ce tract présente de nombreux inconvénients : il est posté depuis Hanovre, rédigé en allemand et envoyé à des journaux d'outre-Rhin exclusivement, mais surtout il ne cadre pas avec la fable médiatique sur notre compte, celle du petit noyau de fanatiques portant l'attaque au cœur de l'Etat en accrochant trois bouts de fer sur des caténaires. On aura, dès lors, bien soin de ne pas trop mentionner ce communiqué, ni dans la procédure, ni dans le mensonge public.

Il est vrai que le sabotage des lignes de train y perd beaucoup de son aura de mystère : il s'agissait simplement de protester contre le transport vers l'Allemagne par voie ferroviaire de déchets nucléaires ultraradioactifs et de dénoncer au passage la grande arnaque de "la crise". Le communiqué se conclut par un très SNCF "nous remercions les voyageurs des trains concernés de leur compréhension". Quel tact, tout de même, chez ces "terroristes"!

Vous reconnaissez-vous dans les qualifications de "mouvance anarcho-autonome" et d'"ultragauche"?

Laissez-moi reprendre d'un peu haut. Nous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.

Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

Dans la sphère de la représentation politique, le pouvoir en place n'a donc rien à craindre, de personne. Et ce ne sont certainement pas les bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais, qui vont l'importuner, elles qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène. Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c'est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans les récentes occupations d'entreprises ou de facs, a su faire entendre une autre parole.

Cette analyse sommaire du théâtre des opérations a dû s'imposer assez tôt puisque les renseignements généraux faisaient paraître dès juin 2007, sous la plume de journalistes aux ordres (et notamment dans Le Monde) les premiers articles dévoilant le terrible péril que feraient peser sur toute vie sociale les "anarcho-autonomes". On leur prêtait, pour commencer, l'organisation des émeutes spontanées, qui ont, dans tant de villes, salué le "triomphe électoral" du nouveau président.

Avec cette fable des "anarcho-autonomes", on a dessiné le profil de la menace auquel la ministre de l'intérieur s'est docilement employée, d'arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on peut encore lui assigner une case et l'y incarcérer. Or celle de "casseur" où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets, certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est bien dans l'intention du nouveau pouvoir de s'attaquer à l'ennemi, en tant que tel, sans attendre qu'il s'exprime. Telle est la vocation des nouvelles catégories de la répression.

Il importe peu, finalement, qu'il ne se trouve personne en France pour se reconnaître "anarcho-autonome" ni que l'ultra-gauche soit un courant politique qui eut son heure de gloire dans les années 1920 et qui n'a, par la suite, jamais produit autre chose que d'inoffensifs volumes de marxologie. Au reste, la récente fortune du terme "ultragauche" qui a permis à certains journalistes pressés de cataloguer sans coup férir les émeutiers grecs de décembre dernier doit beaucoup au fait que nul ne sache ce que fut l'ultragauche, ni même qu'elle ait jamais existé.

A ce point, et en prévision des débordements qui ne peuvent que se systématiser face aux provocations d'une oligarchie mondiale et française aux abois, l'utilité policière de ces catégories ne devrait bientôt plus souffrir de débats. On ne saurait prédire, cependant, lequel d'"anarcho-autonome" ou d'"ultragauche" emportera finalement les faveurs du Spectacle, afin de reléguer dans l'inexplicable une révolte que tout justifie.

La police vous considère comme le chef d'un groupe sur le point de basculer dans le terrorisme. Qu'en pensez-vous?

Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d'un régime sur le point de basculer dans le néant.

Que signifie pour vous le mot terrorisme?

Rien ne permet d'expliquer que le département du renseignement et de la sécurité algérien suspecté d'avoir orchestré, au su de la DST, la vague d'attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes internationales. Rien ne permet d'expliquer non plus la soudaine transmutation du "terroriste" en héros à la Libération, en partenaire fréquentable pour les accords d'Evian, en policier irakien ou en "taliban modéré" de nos jours, au gré des derniers revirements de la doctrine stratégique américaine.

Rien, sinon la souveraineté. Est souverain, en ce monde, qui désigne le terroriste. Qui refuse d'avoir part à cette souveraineté se gardera bien de répondre à votre question. Qui en convoitera quelques miettes s'exécutera avec promptitude. Qui n'étouffe pas de mauvaise foi trouvera un peu instructif le cas de ces deux ex – "terroristes" devenus l'un premier ministre d'Israël, l'autre président de l'Autorité palestinienne, et ayant tous deux reçus, pour comble, le Prix Nobel de la paix.

Le flou qui entoure la qualification de "terrorisme", l'impossibilité manifeste de le définir ne tiennent pas à quelque provisoire lacune de la législation française : ils sont au principe de cette chose que l'on peut, elle, très bien définir : l'antiterrorisme dont ils forment plutôt la condition de fonctionnement. L'antiterrorisme est une technique de gouvernement qui plonge ses racines dans le vieil art de la contre-insurrection, de la guerre dite "psychologique", pour rester poli.

L'antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n'est pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c'est la méthode par quoi l'on produit, positivement, l'ennemi politique en tant que terroriste. Il s'agit, par tout un luxe de provocations, d'infiltrations, de surveillance, d'intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation médiatique, de l'"action psychologique", de la fabrication de preuves et de crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d'anéantir la "menace subversive" en associant, au sein de la population, l'ennemi intérieur, l'ennemi politique à l'affect de la terreur.

L'essentiel, dans la guerre moderne, est cette "bataille des cœurs et des esprits" où tous les coups sont permis. Le procédé élémentaire, ici, est invariable : individuer l'ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l'exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l'humilier publiquement, inciter les plus vils à l'accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. "La loi doit être utilisée comme simplement une autre arme dans l'arsenal du gouvernement et dans ce cas ne représente rien de plus qu'une couverture de propagande pour se débarrasser de membres indésirables du public. Pour la meilleure efficacité, il conviendra que les activités des services judiciaires soient liées à l'effort de guerre de la façon la plus discrète possible", conseillait déjà, en 1971, le brigadier Frank Kitson [ancien général de l'armée britannique, théoricien de la guerre contre-insurrectionelle], qui en savait quelque chose.

Une fois n'est pas coutume, dans notre cas, l'antiterrorisme a fait un four. On n'est pas prêt, en France, à se laisser terroriser par nous. La prolongation de ma détention pour une durée "raisonnable" est une petite vengeance bien compréhensible au vu des moyens mobilisés, et de la profondeur de l'échec; comme est compréhensible l'acharnement un peu mesquin des "services", depuis le 11 novembre, à nous prêter par voie de presse les méfaits les plus fantasques, ou à filocher le moindre de nos camarades. Combien cette logique de représailles a d'emprise sur l'institution policière, et sur le petit cœur des juges, voilà ce qu'auront eu le mérite de révéler, ces derniers temps, les arrestations cadencées des "proches de Julien Coupat".

Il faut dire que certains jouent, dans cette affaire, un pan entier de leur lamentable carrière, comme Alain Bauer [criminologue], d'autres le lancement de leurs nouveaux services, comme le pauvre M. Squarcini [directeur central du renseignement intérieur], d'autres encore la crédibilité qu'ils n'ont jamais eue et qu'ils n'auront jamais, comme Michèle Alliot-Marie.

Vous êtes issu d'un milieu très aisé qui aurait pu vous orienter dans une autre direction…

"Il y a de la plèbe dans toutes les classes" (Hegel).

Pourquoi Tarnac?

Allez-y, vous comprendrez. Si vous ne comprenez pas, nul ne pourra vous l'expliquer, je le crains.

Vous définissez-vous comme un intellectuel? Un philosophe ?

La philosophie naît comme deuil bavard de la sagesse originaire. Platon entend déjà la parole d'Héraclite comme échappée d'un monde révolu. A l'heure de l'intellectualité diffuse, on ne voit pas ce qui pourrait spécifier "l'intellectuel", sinon l'étendue du fossé qui sépare, chez lui, la faculté de penser de l'aptitude à vivre. Tristes titres, en vérité, que cela. Mais, pour qui, au juste, faudrait-il se définir?

Etes-vous l'auteur du livre L'insurrection qui vient ?

C'est l'aspect le plus formidable de cette procédure : un livre versé intégralement au dossier d'instruction, des interrogatoires où l'on essaie de vous faire dire que vous vivez comme il est écrit dans L'insurrection qui vient, que vous manifestez comme le préconise L'insurrection qui vient, que vous sabotez des lignes de train pour commémorer le coup d'Etat bolchevique d'octobre 1917, puisqu'il est mentionné dans L'insurrection qui vient, un éditeur convoqué par les services antiterroristes.

De mémoire française, il ne s'était pas vu depuis bien longtemps que le pouvoir prenne peur à cause d'un livre. On avait plutôt coutume de considérer que, tant que les gauchistes étaient occupés à écrire, au moins ils ne faisaient pas la révolution. Les temps changent, assurément. Le sérieux historique revient.

Ce qui fonde l'accusation de terrorisme, nous concernant, c'est le soupçon de la coïncidence d'une pensée et d'une vie; ce qui fait l'association de malfaiteurs, c'est le soupçon que cette coïncidence ne serait pas laissée à l'héroïsme individuel, mais serait l'objet d'une attention commune. Négativement, cela signifie que l'on ne suspecte aucun de ceux qui signent de leur nom tant de farouches critiques du système en place de mettre en pratique la moindre de leurs fermes résolutions; l'injure est de taille. Malheureusement, je ne suis pas l'auteur de L'insurrection qui vient – et toute cette affaire devrait plutôt achever de nous convaincre du caractère essentiellement policier de la fonction auteur.

J'en suis, en revanche, un lecteur. Le relisant, pas plus tard que la semaine dernière, j'ai mieux compris la hargne hystérique que l'on met, en haut lieu, à en pourchasser les auteurs présumés. Le scandale de ce livre, c'est que tout ce qui y figure est rigoureusement, catastrophiquement vrai, et ne cesse de s'avérer chaque jour un peu plus. Car ce qui s'avère, sous les dehors d'une "crise économique", d'un "effondrement de la confiance", d'un "rejet massif des classes dirigeantes", c'est bien la fin d'une civilisation, l'implosion d'un paradigme : celui du gouvernement, qui réglait tout en Occident – le rapport des êtres à eux-mêmes non moins que l'ordre politique, la religion ou l'organisation des entreprises. Il y a, à tous les échelons du présent, une gigantesque perte de maîtrise à quoi aucun maraboutage policier n'offrira de remède.

Ce n'est pas en nous transperçant de peines de prison, de surveillance tatillonne, de contrôles judiciaires, et d'interdictions de communiquer au motif que nous serions les auteurs de ce constat lucide, que l'on fera s'évanouir ce qui est constaté. Le propre des vérités est d'échapper, à peine énoncées, à ceux qui les formulent. Gouvernants, il ne vous aura servi de rien de nous assigner en justice, tout au contraire.

Vous lisez "Surveiller et punir" de Michel Foucault. Cette analyse vous paraît-elle encore pertinente?

La prison est bien le sale petit secret de la société française, la clé, et non la marge des rapports sociaux les plus présentables. Ce qui se concentre ici en un tout compact, ce n'est pas un tas de barbares ensauvagés comme on se plaît à le faire croire, mais bien l'ensemble des disciplines qui trament, au-dehors, l'existence dite "normale". Surveillants, cantine, parties de foot dans la cour, emploi du temps, divisions, camaraderie, baston, laideur des architectures : il faut avoir séjourné en prison pour prendre la pleine mesure de ce que l'école, l'innocente école de la République, contient, par exemple, de carcéral.

Envisagée sous cet angle imprenable, ce n'est pas la prison qui serait un repaire pour les ratés de la société, mais la société présente qui fait l'effet d'une prison ratée. La même organisation de la séparation, la même administration de la misère par le shit, la télé, le sport, et le porno règne partout ailleurs avec certes moins de méthode. Pour finir, ces hauts murs ne dérobent aux regards que cette vérité d'une banalité explosive : ce sont des vies et des âmes en tout point semblables qui se traînent de part et d'autre des barbelés et à cause d'eux.

Si l'on traque avec tant d'avidité les témoignages "de l'intérieur" qui exposeraient enfin les secrets que la prison recèle, c'est pour mieux occulter le secret qu'elle est : celui de votre servitude, à vous qui êtes réputés libres tandis que sa menace pèse invisiblement sur chacun de vos gestes.

Toute l'indignation vertueuse qui entoure la noirceur des geôles françaises et leurs suicides à répétition, toute la grossière contre-propagande de l'administration pénitentiaire qui met en scène pour les caméras des matons dévoués au bien-être du détenu et des directeurs de tôle soucieux du "sens de la peine", bref : tout ce débat sur l'horreur de l'incarcération et la nécessaire humanisation de la détention est vieux comme la prison. Il fait même partie de son efficace, permettant de combiner la terreur qu'elle doit inspirer avec son hypocrite statut de châtiment "civilisé". Le petit système d'espionnage, d'humiliation et de ravage que l'Etat français dispose plus fanatiquement qu'aucun autre en Europe autour du détenu n'est même pas scandaleux. L'Etat le paie chaque jour au centuple dans ses banlieues, et ce n'est de toute évidence qu'un début : la vengeance est l'hygiène de la plèbe.

Mais la plus remarquable imposture du système judiciaro-pénitentiaire consiste certainement à prétendre qu'il serait là pour punir les criminels quand il ne fait que gérer les illégalismes. N'importe quel patron – et pas seulement celui de Total –, n'importe quel président de conseil général – et pas seulement celui des Hauts-de-Seine–, n'importe quel flic sait ce qu'il faut d'illégalismes pour exercer correctement son métier. Le chaos des lois est tel, de nos jours, que l'on fait bien de ne pas trop chercher à les faire respecter et les stups, eux aussi, font bien de seulement réguler le trafic, et non de le réprimer, ce qui serait socialement et politiquement suicidaire.

Le partage ne passe donc pas, comme le voudrait la fiction judiciaire, entre le légal et l'illégal, entre les innocents et les criminels, mais entre les criminels que l'on juge opportun de poursuivre et ceux qu'on laisse en paix comme le requiert la police générale de la société. La race des innocents est éteinte depuis longtemps, et la peine n'est pas à ce à quoi vous condamne la justice : la peine, c'est la justice elle-même, il n'est donc pas question pour mes camarades et moi de "clamer notre innocence", ainsi que la presse s'est rituellement laissée aller à l'écrire, mais de mettre en déroute l'hasardeuse offensive politique que constitue toute cette infecte procédure. Voilà quelques-unes des conclusions auxquelles l'esprit est porté à relire Surveiller et punir depuis la Santé. On ne saurait trop suggérer, au vu de ce que les Foucaliens font, depuis vingt ans, des travaux de Foucault, de les expédier en pension, quelque temps, par ici.

Comment analysez-vous ce qui vous arrive?

Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C'est d'ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d'une procédure judiciaire "d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n'y a pas d'"affaire de Tarnac" pas plus que d'"affaire Coupat", ou d'"affaire Hazan" [éditeur de L'insurrection qui vient]. Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent réellement menacé. Le Prince n'a plus d'autre soutien que la peur qu'il inspire quand sa vue n'excite plus dans le peuple que la haine et le mépris.

Ce qu'il y a, c'est, devant nous, une bifurcation, à la fois historique et métaphysique: soit nous passons d'un paradigme de gouvernement à un paradigme de l'habiter au prix d'une révolte cruelle mais bouleversante, soit nous laissons s'instaurer, à l'échelle planétaire, ce désastre climatisé où coexistent, sous la férule d'une gestion "décomplexée", une élite impériale de citoyens et des masses plébéiennes tenues en marge de tout. Il y a donc, bel et bien, une guerre, une guerre entre les bénéficiaires de la catastrophe et ceux qui se font de la vie une idée moins squelettique. Il ne s'est jamais vu qu'une classe dominante se suicide de bon cœur.

La révolte a des conditions, elle n'a pas de cause. Combien faut-il de ministères de l'Identité nationale, de licenciements à la mode Continental, de rafles de sans-papiers ou d'opposants politiques, de gamins bousillés par la police dans les banlieues, ou de ministres menaçant de priver de diplôme ceux qui osent encore occuper leur fac, pour décider qu'un tel régime, même installé par un plébiscite aux apparences démocratiques, n'a aucun titre à exister et mérite seulement d'être mis à bas ? C'est une affaire de sensibilité.

La servitude est l'intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c'est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu'elle se demande "pour qui vais-je voter ?", mais "mon existence est-elle compatible avec cela ?"), c'est pour le pouvoir une question d'anesthésie à quoi il répond par l'administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l'anesthésie n'opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée.

Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu'une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de "jeunes", comme tant de "bandes", de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle "victoire" dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable. En d'autres termes : la situation est excellente. Ce n'est pas le moment de perdre courage.

Propos recueillis par Isabelle Mandraud et Caroline Monnot
Article paru dans l'édition du 26.05.09
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Ergänzungen

interview with julien coupat english translat

translator 28.05.2009 - 17:10


translation of very recent interview

Interview with Julien Coupat

 http://www.notbored.org/julien-coupat.html

Here are the responses to the questions that we [Isabelle Mandraud and Caroline Monnot] posed in writing to Julien Coupat. Placed under investigation on 15 November 2008 for "terrorism," along with eight other people interrogated in Tarnac (Correze) and Paris, he is suspected of having sabotaged the suspended electrical cables of the SNCF. He is the last one still incarcerated. (He has asked that certain words be in italics.)

Q. How are you spending your time?

A. Very well, thank you. Chin-ups, jogging and reading.

Q. Can you recall the circumstances of your arrest for us?

A. A gang of youths, hooded and armed to the teeth, broke into our house. They threatened us, handcuffed us, and took us away, after having broken everything to pieces. They first took us into very fast cars capable of moving at more than 170 kilometers an hour on the highways. In their conversations, the name of a certain Mr Marion (former leader of the anti-terrorist police) came up often. His virile exploits amused them very much, such as the time he slapped one of his colleagues in the face, in good spirits and at a going-away party. They sequestered us for four days in one of their "people's prisons," where they stunned us with questions in which absurdity competed with obscenity.

The one who seemed to be the brains of the operation vaguely excused himself from this circus by explaining that it was the fault of the "services," the higher-ups, all kinds of people who want [to talk to] us very much. Today, my kidnappers are still free. Certain recent and diverse facts attest to the fact that they continue to rage with total impunity.

Q. The sabotage of the SNCF cables in France was claimed [by someone] in Germany. What do you say about that?

A. At the moment of our arrest, the French police were already in possession of the communique that claimed, in addition to the acts of sabotage that they want to attribute to us, other simultaneous attacks in Germany. This communique is inconvenient to the police for a number of reasons: it was mailed from Hanover, drafted in German and sent to newspapers in the Outer Rhine area exclusively; but it is especially inconvenient because it does not fit the framework of the mediatic[1] fable about us: a small nucleus of fanatics bringing the battle to the heart of the State by hanging three iron bars on the cables. From then on, they took care to not mention this communique too much, either in court or in the public lie.

It is true that the sabotage of the train lines lost much of its mysterious aura as a result: now it would be a matter of simple protest against the transportation of ultra-radioactive nuclear wastes to Germany over railroads and denunciations (made in passing) of the great rip-off known as "the crisis." The communique concludes with a very SNCF-like "We thank the travelers on the trains concerned for their understanding." What tact there is among these "terrorists"!

Q. Do you recognize yourself in the phrases "anarcho-autonomous circle of influence" and "ultra-left"?

A. Let me resume what I was saying. In France, we are currently living through the end of a period of historical freezing, the founding act of which was the accord reached in 1945 by the Gaullists and the Stalinists to disarm the people under the pretext of "avoiding a civil war." The terms of this pact can be formulated thus: while the Right will renounce its overtly fascist accents, the Left will abandon all serious revolutionary perspectives. For four years, the advantage of Sarkozy's clique has been the fact that it unilaterally took the initiative by breaking this pact and renewing "without apologies" the classics of pure reaction concerning the insane, religion, the West, Africa, work, the history of France and national identity.

Faced with a power at war that dares to think strategically and divide the world into "friends," "enemies" and "negligible quantities," the Left remains frozen, as if sick with tetanus. It is too cowardly, too compromised and, more than anything else, too discredited to offer the least resistance to a power that it doesn't dare treat as an enemy and that, one by one, snatches away the sly devils [les malins] among its ranks. As for the extreme Left (Besancenot, for example): whatever its electoral results, and even if it has emerged from the groupuscular state in which it long vegetated, it hasn't a more desirable perspective to offer than Soviet gray that has been slightly retouched in Photoshop. Its destiny is to deceive and disappoint.

Thus, in the sphere of political representation, the established power has nothing to fear from anyone. And certainly not the union bureaucracies, which are more corrupt than ever and now importune power [for help]. They do this, they who have danced an obscene ballet with the government for the last two years! In such conditions, they only force that can put a check on the Sarkozy gang, its only real enemy in this country, is the street, the street and its old revolutionary penchants. During the riots that followed the second part of the ritualized plebiscite of May 2007, only the street knew how to rise to the occasion. In the Antilles, during the recent occupations of companies and factories, it alone knew how to make another voice heard.

This summary analysis of the theater of operations was soon to be confirmed in June 2007, when the intelligence agencies published -- under the bylines of journalists working under orders (notably for Le Monde) -- the first articles bringing to light the terrible peril that is placed upon all social life by the "anarcho-autonomes." To start, one attributed to them the organization of spontaneous riots, which, in so many towns, saluted the "electoral triumph" of the new president.

With this fable of "anarcho-autonomes," one has sketched out the profile of the menace to which the Minister of the Interior is docilely committed to give a little flesh and a few faces by organizing targeted arrests in mediatic police raids. When one can no longer contain what overflows, one can still assign it a case number and incarcerate it. Thus, the case of the "rioter," in which the workers of Clairoix, urban youths, student blockaders and anti-summit demonstrators are dumped pell-mell -- this is certainly an effective move in the current management of social pacification -- permits the State to criminalize actions, not existences.[2] And it is indeed the intention of the new power to attack the enemy, as such, without waiting for him to declare himself. Such is the vocation of the new categories of repression.

Finally, it hardly matters than no one in France recognizes him or herself as "anarcho-autonomous" or that the ultra-left is a political current that had its moment of glory in the 1920s and that, subsequently, never produced anything other than inoffensive volumes of Marxology. Moreover, the recent fortunes of the term "ultra-left," which have permitted some journalists to catalogue the Greek rioters of last December without striking a blow, speak to the fact that no one knows what the ultra-left was nor even that it ever existed.

At this point -- and in the anticipation of outbursts that can only be systematized in the face of the provocations of a hard-pressed global and French oligarchy -- the utility of these categories to the police must no longer be debated. Nevertheless, one cannot predict whether "anarcho-autonomous" or "ultra-left" will finally carry off the favors of the Spectacle and relegate a totally justified revolt to the inexplicable.

Q. The police consider you the leader of a group on the point of tipping over into terrorism. What do you think about that?

A. Such a pathetic allegation can only be the work of a regime that is on the point of tipping over into nothingness.

Q. What does the word terrorism mean to you?

A. Nothing allows one to explain why the Algerian Department of Intelligence and Security, suspected of having orchestrated -- with the knowledge of the DST[3] -- the wave of attacks in 1995, is not classed among the international terrorist organizations. Nothing allows one to explain the sudden transformation of "terrorists" into heroes in the manner of the Liberation, into partners suitable for the Evian Accords, into Iraqi police officers and "moderate members of the Taliban," according to the most recent sudden reversal of the American strategic doctrine.

[It means] nothing, if not sovereignty. It is the sovereign in this world who designates the terrorist. He who refuses to take part in this sovereignty will take care not to respond to your question. He who covets a few crumbs will comply [with the question] promptly. He who doesn't suffocate from bad faith will find instructive the case of the two ex-"terrorists" who became the Prime Minister of Israel and the President of the Palestinian Authority, respectively, and who -- to top it all off -- were both given Noble Peace Prizes.

The fuzziness that surrounds the designation "terrorist," the manifest impossibility of defining "terrorism," does not affect several provisional lacunae in French law: terrorists are at the source of this thing that one can define very easily: anti-terrorism, for which "terrorism" forms the pre-condition. Anti-terrorism is a technique of government that thrusts its roots down into the old art of counter-insurrection, so-called "psychological warfare," to be polite.

Anti-terrorism, contrary to what the term itself insinuates, is not a means of fighting against terrorism, but is the method by which one positively produces the political enemy as terrorist. By means of a wealth of provocations, infiltrations, surveillance, intimidation and propaganda; by means of the science of mediatic manipulation, "psychological action," the fabrication of both evidence and crimes; by means of the fusion of the police and the judicial; and by means of the annihilation of the "subversive menace" by associating the internal enemy, the political enemy -- which is at the heart of the population -- with the affect of terror.

In modern warfare, the essential aspect is the "battle for hearts and minds" in which blows are permitted. The elementary procedure here is invariable: individualize the enemy so as to cut him off from the people and from communal reason; display him in the costume of a monster; defame him, publicly humiliate him, incite the vilest people to heap their spit upon him; encourage hatred of him. "The law must be utilized simply as another weapon in the arsenal of the government and, in this case, represents nothing other than a propaganda cover to get rid of undesirable members of the public. For maximum efficiency, it would be suitable that the activities of the judicial services are tied to the war effort in the most discrete fashion possible," advised Brigadier Frank Kitson (former general in the British Army, theoretician of counter-insurrectionary war), who knew something of the subject.

Once is not a pattern: in our case, anti-terrorism has been a flop. In France, one isn't ready to let oneself be terrorized by us. The prolongation of my detention for a "reasonable" period of time is petty revenge, quite comprehensible due to the means mobilized and the depth of the failure; as comprehensible as the petty fury of the [intelligence] "services," which since 11 November [2008] have through the press attributed to us the most fantastic misdeeds and stalked our comrades. How this logic of reprisals has seized control of the minds of the police and the small hearts of the judges, this is what the cadenced arrests of those "close to Julien Coupat" will have had the merit of revealing.

It is necessary to say that certain people are using this affair to extend their lamentable careers, like Alain Bauer (a criminologist), for example; others are using it to launch their latest ventures, like poor M. Squarcini (the Central Director of Domestic Intelligence); while still others are trying to rehabilitate the credibility that they've never had and never will have, like Michele Alliot-Marie.[4]

Q. You come from a very well-to-do background, which oriented you in another direction. . .

A. "There are plebes in all classes." (Hegel).

Q. Why Tarnac?

A. Go there, you will understand. If you don't, no one could explain it to you, I fear.

Q. Do you define yourself as an intellectual? A philosopher?

A. Philosophy was born like chatty grief from original wisdom. Plato already heard the words of Heraclitus as if they had escaped from a bygone world. In the era of diffused intellectuality, one can't see what "the intellectual" might make specific, unless it is the expanse of the gap that separates the faculty of thinking from the aptitude for living. Intellectual and philosopher are, in truth, sad titles. But for whom exactly is it necessary to define oneself?

Q. Are you the author of The Coming Insurrection?

A. This is the most formidable aspect of these proceedings: a book integrally versed in the case histories of instructional manuals, in the interrogations in which one tries to make you say that you live just as described in The Coming Insurrection; that you protest[5] as The Coming Insurrection advocates; and that you sabotaged train lines to commemorate the Bolshevik coup d'Etat of October 1917. Because this idea is mentioned in The Coming Insurrection, its publisher was questioned by the anti-terrorist services.

In French memory, one hasn't seen power become fearful of a book for a very long time. Instead, one had the custom of believing that as long a leftists were preoccupied with writing, at least they weren't making revolution. Assuredly, times change. Serious history returns.

What founds the accusation of terrorism where we are concerned are suspicions about the coincidence of thought and life; what founds the accusation concerning the association of evil-doers is the suspicion that this coincidence couldn't have been the result of individual heroism, but communal attention. Negatively, this means that one does not suspect any of those who sign their names to so many fierce critiques of the system of putting the least of their firm resolutions into practice; the insult is strong enough. Unfortunately, I am not the author of The Coming Insurrection, and this whole affair will end up convincing us of the essentially repressive [policiere] character of the author's function.

On the other hand, I am a reader. Re-reading it, just last week, I better understood the hysterical bad temper that, from high up, motivates the State to hound its presumed authors. The scandal of the book is that all that figures in it is rigorously, catastrophically true and it does not cease to prove itself true, little by little, each day. Because what proves itself, under the outward appearance of this "economic crisis," this "collapse of confidence," and this "massive rejection of the ruling classes," is indeed the end of a civilization, the implosion of a paradigm, namely, that of the government, which rules everything in the West -- the relations of beings to themselves no less than to the political order, religion or the organization of business. At all levels of the present, there is a gigantic loss of mastery that no word-games [maraboutage] by the police will be able to remedy.

It is not by skewering us with prison terms, microscopic surveillance, judicial supervision and prohibitions upon communication because we might be the authors of these lucid findings that one will make what has been found disappear. The characteristic of truth is that it escapes, barely enunciated, from those who formulate it. Governments: it doesn't accomplish anything if you send us to jail; quite the contrary.

Q. You've read Discipline and Punish by Michel Foucault. Does this analysis still seem pertinent to you

A. The prison is indeed the dirty little secret of French society, the key to and not the margins of the most respectable social relations. What is concentrated in the prison is not a pile of wild barbarians, as it pleases some people to think, but in fact the ensemble of the disciplines that weave together so-called "normal" existence outside. Supervisors, the canteen, soccer games in the courtyard, one's use of time, divisions, camaraderie, fights and ugly architecture: one has to have been in prison to take the full measure of the carceral in the school, the "innocent" schools of the Republic.

Envisioned from this impregnable angle, prison isn't a pit [repaire] for society's failures; instead, current society is a failed prison. The same organization of separations, the same administration of misery through shit,[6] TV, sports and porno reigns everywhere else, but much less methodically than in prison. To conclude: these high walls only hide from view this truth of explosive banality: there are lives and souls, entirely equal, who drag themselves along on both sides of the barbed wire, and because of it.

If one avidly tracks down the testimonies "from the inside" that finally expose the secrets that the prison conceals, it is done to better to hide the secret that the prison is: the secret of your servitude, you who are reputedly free, while its menace weighs invisibly on each of your gestures.

All of the virtuous indignation that surrounds the black hole [la noirceur] of French prisons and their suicide rates; all the crude counter-propaganda of the penal administrators who bring on camera the disciplinarians [des matons] devoted to the well-being of the detainees and the metal-plated directors who are concerned with the "meaning of the penalty"; in sum, all of the debate on the horror of incarceration and the necessity of humanizing detention is as old as the prison system itself. It is part of its efficacy, which permits the State to combine the terror that the prison must inspire with the hypocritical legal status of "civilized" punishment. The little system of prison-based spying, humiliation and violence [de ravage] that the French State uses more fanatically than any other State in Europe isn't even scandalous. The State pays for it a hundred times over in the banlieus, and this, from all the evidence, is only a beginning: vengeance is the hygiene of the plebes.

But the most remarkable imposture of the judicial-penal system certainly consists in pretending that it exists to punish criminals when, in fact, it only manages illegality. Any boss -- not just the boss of Everything -- any president of a general council -- not just the President of Hauts-de-Sein -- any cop knows that illegality is necessary for the correct performance of his or her trade. In our time, the chaos of the laws is such that one would do well to not seek to make the laws respected too much and the drug enforcements agents [les stups] should stick to regulating trafficking and not repressing it, which would be social and political suicide.

The discussion is not -- as the judicial fiction would have it -- between the legal and the illegal, between the innocents and the criminals, but between the criminal whom one judges suitable for prosecution and the criminal whom one leaves in peace, as the general powers of society require. The race of the innocents was wiped out long ago, and the penalty is not what condemns you to justice: the penalty is justice itself; thus, it isn't a matter of my comrades and I "claiming our innocence," despite what is ritualistically repeated in the press, but trying to derail the hazardous political offensive that these vile proceedings constitute. These were some of the conclusions to which the mind is brought by re-reading Surveiller et Punir in prison. Of course, one isn't suggesting, given what the Foucaultians have done with the works of Foucault for the last twenty years, that they should spend some time in jail.

Q. How do you analyze what has happened to you?

A. Enlighten yourself: what has happened to us, to my comrades and I, will also happen to you. This is the first mystification by power: nine people are prosecuted in the framework of a judicial proceeding against an "association of evil-doers in connection with a terrorist enterprise," and they must be particularly concerned by these grave accusations. But there is no "Tarnac Affair," no "Coupat Affair," no "Hazan Affair" (Hazan published "The Coming Insurrection"). What there is, is an oligarchy that is very wobbly and becomes ferocious like any power when it feels itself to be really threatened. When his views no longer elicit anything among the people other than hatred and scorn, the prince has no other support than the fear that he inspires.

What there is before us is a bifurcation that is both historical and metaphysical: either we pass from a paradigm of government to a paradigm of living, at the price of a cruel but deeply moving revolt, or we allow the instauration at the planetary level of an air-conditioned disaster in which -- under the yoke of a "simplified" management -- an imperial elite of citizens and marginalized plebeian classes coexist. Thus there surely is a war, a war between the beneficiaries of the catastrophe and those who are accustomed to a less skeletal idea of life. One has never seen a dominant class commit suicide willingly.

The revolt has conditions, but not causes. How many Ministries of National Identity, lay-offs, raids of those without proper papers or those who are political opponents, young people beaten up by the police in the banlieus, and ministers threatening to deprive diplomas from those who dare to occupy their schools are necessary before one decides that such a regime -- even if installed in power by an apparently democratic plebiscite -- has no reason to exist and only merits being brought down? It is a matter of sensitivity.

Servitude is the intolerable thing that can be tolerated indefinitely. Because this is a matter of sensitivity and this sensitivity is immediately political -- not that it wonders "Who should I vote for?" but "Is this incompatible with my existence?" -- it is, for power, a question of anesthetizing the response [to the second question] through the administration of ever more massively distracting doses of fear and stupidity. And there where the anesthesia no longer works, this order, which has united against it all the reasons for revolt, tries to dissuade us by stuffing us into a small, tight-fitting [ajustee] terror.

My comrades and I are only a variable in this adjustment. One suspects us like so many others, so many "youths," so many "gangs," of having no solidarity with a world that is collapsing. On this one point, one doesn't lie. Fortunately, this heap of swindlers, impostors, industrialists, financiers and prostitutes; this entire Mazarin's court full of neuroleptics, Disney versions of Louis Napoleon, and Sunday shows that grip the country for an hour lack an elementary sense of dialectics. Each step that they take towards total control brings them closer to their fear. Each new "victory" with which they flatter themselves spreads a little further the desire to see them defeated in their turn. Each maneuver that they figure comforts their power ends up rendering it detestable. In other words: the situation is excellent. This isn't the moment to lose courage.

(Published in Le Monde on 25 May 2009 and translated by NOT BORED! 27 May 2009.)

[1] There is no adequate English equivalent for mediatique, which not only refers to the media, but to the spectacular, as well.

[2] There could be typos in or words left out of the original French. The context suggests that the case of the "casseur" allows the State to criminalize existences and actions.

[3] The French FBI.

[4] Minister of the Interior.

[5] vous manifeste can also mean "demonstrate" and "reveal yourself."

[6] English in original.